Marie-Noëlle au Mexique

Marie-Noëlle au Mexique

Chiapas - San Juan Chamula 30 juin 2008

San Juan Chamula est un village dans la montagne, à une dizaine de kilomètres de San Cristobal. Centre de pratiques religieuses traditionnelles et lieu d'où viennent les guérisseurs de renom de la région, ce fut aussi un centre de résistance féroce à l'invasion espagnole en 1524. Le 'collectif' qui nous y emmène grimpe en pétaradant et nous fait entrevoir la route poussiéreuse sous nos pieds, par les trous du plancher du véhicule...
Dès que l'on monte dans la montagne, le paysage est un patch-work de champs verts. Je suis frappée par les cultures : tout est vert vert vert, donnant une impression d'abondance. Les champs sont impeccables, comme dans un livre pour enfants ou un tableau naïf. Ici on cultive le maïs, les haricots, pommes de terre, courges et courgettes et toutes sortes de légumes.



Chevaux, chiens bien sûr, poules, cochons laineux, vaches et moutons se baladent en liberté. En altitude les feuillus cèdent la place aux pins, l'herbe grasse se fait fine et moussue, les paysans sont remplacés par des charbonniers. Dans certains villages traversés en bus trop rapidement pour prendre des photos, hélas, des panneaux annoncent fièrement qu'il s'agit d'une communauté zapatiste et donnent le nombre de m2 de terre réappropriée : 'Territorio rebelde', 'Escuela autonoma municipal zapatista', 'comunità en resistencia civil'. Des murales extraordinaires ornent les murs des écoles, centres communautaires et dispensaires.
Les femmes sont toutes en costume traditionnel : jupe noire pour la plupart ou indigo, châles bleu clair et huipiles avec toute une symphonie de bleus et de tons bordeaux-mauves-violets.
D'autres pancartes nous informent qu'au cas où nous aurions la malencontreuse idée de jeter nos déchets et poubelles dans la nature, nous risquons une amende d'au moins 90 salaires.....



Les meilleurs moments pour visiter Chamula sont le carnaval du début du carême en février-mars, la période des cinq jours 'perdus' du calendrier maya et surtout la Saint-Jean entre le 22 et le 25 juin, puisque le Templo de San Juan, l'église principale, est dédié à Saint-Jean Baptiste qui occupe ici une place plus importante que le Christ. Des milliers de personnes des villages et vallées des environs se rendent à Chamula à ce moment-là, pour fêter, boire, négocier et aussi pour le changement des 'cargos', les fonctions et tâches que chacun offre à la communauté pendant un an, à tour de rôle (voir article sur les Pueblos Mancomunados de la Sierra Norte/Juarez).









Le synchrétisme entre religion catholique et rites mayas est ici à son comble. Le dimanche et lors des fêtes, l'église est décorée avec de grandes guirlandes d'aiguilles de pin. Le lundi, jour de notre visite, les guirlandes sont enlevées et l'église balayée de son tapis d'aiguilles qui jonchent le sol et en font un espace hautement périlleux car glissant à souhait ! A l'extérieur, on trouve partout des croix - qui à l'origine indiquent bien sûr les 4 points cardinaux - avec un arbre, le plus souvent un pin, représentant l'arbre de vie.



Il est strictement interdit de prendre des photos à l'intérieur de l'église. Pour y entrer on doit d'ailleurs prendre son billet de l'autre côté de la place - je vais garder ce document précieusement car il contient mon nom, la date de ma visite et ma nationalité....  qui, pour la première fois, est mexicaine, car ainsi en a décidé le jeune homme derrière son comptoir !

A l'intérieur de l'église, les saints et saintes, une Mère de Dieu toute de noir vétue, sublime, et le bon Saint Jean Baptiste. Je vais vite acheter quatre bougies pour offrandes dans le petit magasin à côté de l'église. Saint Nicolas va en recevoir une - il encourage la simplicité, l'humilité et la certitude qu'il y aura toujours 'assez' de tout; Saint Michel me libérera des anciennes rancoeurs et douleurs, tandis que Saint Jean m'assurera une magnifique renaissance ! La dernière sera pour la grande Mère, bien sûr.
Il règne une atmosphère incroyable : devant certains saints, derrière mais aussi tout à l'avant de l'église des groupes de personnes entourent un curandero ou une curandera qui officie, autrement dit qui est en train de faire un rituel de guérison dans la plus pure tradition maya, en ajoutant juste les saints parmi les ancêtres et esprits dans les litanies et oraisons. Parfois ils ne sont que deux, la guérisseuse et sa cliente, parfois des familles entières sont rassemblées, enfants compris. Le nombre et la couleur des bougies que l'on plante à même le sol varient en fonction des demandes et des problèmes. Les récitations engendrent une transe, parfois elles se font cri, d'autres fois murmure intense. Encouragés par du Coca et d'autres boissons gazeuses, les rots fusent, car c'est ainsi que les guérisseurs font déguerpir les mauvais esprits. Le copal abonde, résine au parfum capiteux servant d'encens, fumée, effluves, sons ne font plus qu'un et la tête me tourne. Les guérisseuses passent maintenant des bouquets de basilic et des poulets encore vivants sur les bougies pour les purifier. Puis sans un bruit, elles sacrifient le poulet qui absorbe toutes les énergies négatives de la patiente, en pleine église de San Juan.......
Une fois le rituel terminé, on discute des affaires courantes, la vie continue, les enfants jouent à faire des glissades sur les aiguilles de pin et on repart avec le poulet mort, la bouteille vide et le basilic fané.



Dehors, sur la grande place, le marché offre un mélange de fruits et légumes et d'artisanat. Les femmes portent de longues jupes noires en laine épaisse toute touffue, comme une toison vivante. Par-dessus une grosse ceinture pour tenir la jupe qui est en fait un tuyau de tissus, et un huipil dont les spécialistes savent décrypter l'origine en fonction des couleurs et du type de broderie. Chaque village a sa spécificité. Des hommes sont rassemblés qui portent des casaques noires ou blanches faites de la même manière et de gros bâtons : ce sont les policiers de la communauté. Nous avons été averties : mieux vaut ne pas les prendre en photo.

Et voici un choix de rubans et pompons pour vos tresses :




21/07/2008
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