Marie-Noëlle au Mexique

Parties samedi soir avec Jacqueline venue de Genève, nous arrivons le dimanche matin à San Cristobal avec 11heures de bus dans les fesses. Le bourg se réveille, presque tout est encore fermé et c'est un plaisir de découvrir cette jolie petite ville coloniale aux couleurs vives et rues pavées, nichée dans un cirque de montagnes à 2100m d'altitude.




Par ses détails, l'architecture nous rappelle la présence espagnole dès 1528, date de la fondation de San Cristobal par Diego de Mazariegos. Avant-poste négligé gouverné depuis le Guatemala 'ses citoyens espagnols firent fortune aux dépens des Indiens qui perdirent leurs terres et durent supporter impôts, travail forcé et maladies', Lonely Planet dixit.



Le climat météo est assez frais matin, soir et nuit, vu l'altitude, tandis que le climat atmosphère est très sympathique: on dirait que les étrangers qui vivent à San Cristobal sont plus engagés dans la vie qu'à Oaxaca, que ce soit au niveau social - n'oublions pas que le Chiapas est le berceau du mouvement zapatiste dirigé par le sous-commandant Marcos - ou au niveau écologique. Nous avons découvert deux établissements à ne pas manquer : La Casa del Pan et Madre Tierra dont la cuisine et les produits bio sont un vrai bonheur et peuvent même être accompagnés d'un verre de bon vin.

Bien que plutôt fermés pour la plupart, réfractaires à l'objectif photo, les Tzotziles et les Tzeltales,  les deux principaux groupes linguistiques parmi les descendants des Mayas, parlent toujours leur langue, portent leur costume traditionnel et sont bien présents.





La ville regorge d'hôtels. Nous sommes descendues à la Posada Jovel où nous avons dormi pour environ 12francs par personne par nuit avec bain privé dans la partie moins chic mais plus sympathique, fort tranquille, d'où nous avions une très jolie vue sur les toits.


Dans notre pérégrination de découverte de San Cristobal, le Templo de Santo Domingo s'est avéré incontournable, avec un marché qui s'étend au pied de l'église, très intéressant pour son artisanat : bijoux souvent faits par des artisans-hippies locaux, très créatifs et à des prix imbattables - San Cristobal est une mecque du Jade et de l'Ambre, entre autres; blouses (huipil), jupes, ceintures traditionnelles sont une pure merveille. Un peu plus loin, le marché popu de fruits, légumes, petits cochons, poules, et Tout-tout-tout vaut le détour.





A San Cristobal, nous avons fait quatre grandes découvertes dignes d'être signalées :

1. Le Centre de développement de la Médecine Maya.
Il comporte un musée extrêmement bien fait avec mise en scène grandeur nature des pratiques traditionnelles, différents ouvrages et brochures, et une pharmacie-herboristerie avec laboratoire, le tout extrêmement bien tenu. Pour plus d'infos : www.medicinamaya.org/


Tout un travail d'éducation, de préservation des savoirs indigènes et d'information sur la bio-piraterie, l'impact des multinationales etc. y est très actif.


La médecine maya telle qu'elle est pratiquée ici comprend plusieurs 'spécialistes': les 'preneurs de pouls' qui posent un diagnostic et, le cas échéant, vont prescrire une cérémonie ou un remède à base de plantes; les 'ueseros' qui savent remettre les os en place; les sage-femmes; les herbalistes. Le synchrétisme catholicisme-tradition est impressionnant.
J'ai profité de prendre une consultation pour avoir un check-up : rassurez-vous, tout est en ordre, selon Don Vitorio. Après m'avoir pris le pouls, il m'a fait mettre 3 rangées de 12 bougies blanches sur le sol devant l'autel catholique dédié à Saint-Jean Baptiste, puis il a commencé ses orations et litanies en Tzotzil, invoquant les saints et les saintes pour leur demander de prendre soin de moi. Pour terminer, il m'a nettoyée en me passant sur tout le corps un grand bouquet de basilic et un oeuf (que nous avions acheté au marché auparavant) qu'il tenait dans la même main. La 'limpia' une fois terminée, il a cassé l'oeuf dans un verre d'eau et 'lu' le résultat : l'envie = les énergies négatives étaient sorties, je pouvais rentrer chez moi l'esprit tranquille. J'avoue avoir été un peu déçue du manque d'information et de l'absence de partage, mais dois quand même dire que la sciatique naissante (après les longues heures de bus) a disparu après quelques lancées violentes et mon système digestif s'est aussi remis en mouvement peu après.
Le centre est surtout fréquenté par des indigènes, qui viennent autant pour se procurer les remèdes que pour consulter. Autrement dit, la médecine traditionnelle est encore très vivante et appréciée au Chiapas.

2. Musée privé de costumes régionaux de Sergio Castro
Quoiqu'en dise votre guide et malgré l'absence totale d'indication, vous trouverez ce musée au numéro 38 de la rue Guadalupe Victoria. Il est en général visitable vers 17 ou 18 heures, mais le mieux est de passer avant pour prendre rendez-vous. Car Sergio Castro est un original extraordinaire, une sorte de saint se situant entre le Docteur Schweitzer et Mère Teresa, plein d'amour, d'altruisme et de compassion, mais aussi animé par un engagement infatigable et un plaisir inouï de partager sa passion. Agronome au départ, il a travaillé toute sa vie avec les communautés indiennes du Chiapas, soignant des blessures, donnant un conseil, aidant les uns et les autres en fonction de leurs besoins. Au cours des années, il a collectionné costumes traditionnels, outils, instruments de musique. Son musée est une vraie caverne d'Ali Baba et Sergio connaît tout : provenance, coutumes, histoire concernant chaque pièce. Il se fait un plaisir de partager et d'expliquer, complétant même la visite par une vidéo et des petits biscuits. Peut-être qu'il vous laissera en plan entre deux costumes pendant quelques minutes : sans arrêt on vient le chercher pour qu'il soigne une brûlure, refasse un pansement, soins qu'il donne évidemment gratuitement.
Son activité de guide touristique lui permet de vivre... ses besoins étant réduits au minimum.

3. Na Bolom
3e passion : dans la splendide demeure coloniale de la Suissesse Trudi Duby et de son époux danois Frans Blom, archéologue de son état, autre caverne d'Ali Baba concernant cette fois les Indiens Lacandons.
Après la mort de Trudi en 1993, 30 ans après celle de son mari, la 'Maison du Jaguar' a été convertie en musée, institut d'étude et de préservation des cultures indigènes du Chiapas et fondation gérant les archives photographiques impressionnantes de Trudy (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Gertrude_Blom). Depuis 1943, elle documenta avec sa réflex Yashica le peuple Lacandon dont, suite au déboisement intense de la région et, plaie plus récente, l'arrivée des Adventistes, seules quelques familles d'irréductibles pratiquent encore aujourd'hui l'ancienne sagesse et les savoirs traditionnels. Suivant sa vocation et accompagnant son mari (rencontré au cours d'une expédition) à la découverte de sites mayas cachés dans la jungle la plus profonde, la journaliste, éthnologue et photographe bernoise a vécu une vie hors du commun et passionnante. Femme raffinée d'une grande élégance, mais aussi aventurière et pionnière, engagée contre le fascisme et pour les populations locales, Trudi est attachante, séduisante et source d'inspiration... sans parler de son mari Frans, un fort bel homme!


4. Taller leñateros
Cet atelier constitué en cooperative existe depuis 32 ans, regroupe 22 personnes fixes et environ 150 qui récoltent les plantes servant à la fabrication d'un papier magnifique, enchanteur, au couleurs de l'arc-en-ciel ou brut, avec ou sans pétales de mille et une fleurs selon la saison. Le mode de production est le plus écologique possible, avec vélo-broyeur pour réduire en pâte les matières premières. Pour en savoir plus, www.tallerlenateros.com.





Si vous souhaitez continuer la visite de San Cristobal de las Casas, mais avez un peu mal aux pieds, je vous propose un mode de locomotion original :


et c'est tout pour aujourd'hui !