Marie-Noëlle au Mexique

J'ai eu la chance d'être à Oaxaca précisément au moment de la Guelaguetza - la guelaquoi???? La fête du don, de l'offrande, du cadeau, en ancien Zapotèque. Et ma chance est d'autant plus grande que l'année passée la célébration a été annulée pour cause de troubles politiques.

A l'origine, c'est la déesse Centéotl - la déesse du maïs - autrement dit de l'abondance et de la fertilité qui était honorée. Le temple qui lui était dédié dans l'antique Huaxyacac a été remplacé après la conquête espagnole par l'église catholique du Carmen Alto. En époque pré-colombienne, la fête durait huit jours et débutait le 16 juillet. Un petit renvoi à l'article sur le calendrier maya s'impose : apparemment la fête terminait un cycle du calendrier lunaire composé de 13 tranches de 28 jours, le 25 juillet étant le 'jour hors du temps' permettant de faire le pont avec le calendrier solaire.

Aujourd'hui cette fête réunit des délégations provenant des sept régions de l'Etat de Oaxaca et représentant les 15 éthnies indigènes. Chacune vient présenter et partager qui ses danses folkloriques, qui ses rituels traditionnels - toutes, leurs costumes rivalisant de couleurs, de beauté, de talent artisanal, ainsi que des produits du terroir allant de l'ananas à la petite corbeille tressée en passant par le pain, les tortillas, des fruits ou encore des pots en argile qui sont lancés dans le public à la fin de chaque présentation en guise de cadeau. C'est aussi l'occasion d'entendre les différentes langues indigènes, dont la pratique se perd malheureusement au fur et à mesure que les anciens disparaissent. 'Différent' est le terme qui convient : dans leur sonorité, leur musicalité, leur rythme elles ne se ressemblent pas.... du moins pour une oreille européenne et dans un contexte de foire plus que d'étude.

Pendant toute cette période, des groupes se produisent gratuitement sur différentes places de la ville, des manifestations ont lieu pour honorer des personnes oeuvrant pour que la tradition reste vivante et surtout soit connue alentour, des événement culturels ont lieu dans les galeries d'art, les théâtres et les musées, pour culminer dans LA Guelaguetza : spectacle au grand auditoire perché sur une colline qui domine la ville d'Oaxaca et qui a lieu aux deux 'lunes del Cerro', les lundis de la montagne. Avec pour décor naturel les montagnes des Valles Centrales qui s'enchaînent au loin, sous le soleil de midi, pendant trois heures et demi j'ai vu défiler les groupes accompagnés par les flonsflons de l'omniprésente fanfare mexicaine et j'ai été portée par la ferveur du public : un grand océan de chapeaux de paille pour se protéger de la chaleur, vibrant, chantant, participant et s'identifiant à ces cultures indigènes que dans d'autres circonstances ils préfèrent souvent ignorer, même si elles sont inscrites dans leurs gènes.

L'Espagne est très présente, parfois de manière amusante, comme ce groupe où se sont les jeunes femmes qui jouent le taureau avec tant de fougue qu'elles font tomber leurs partenaires, parfois même de la scène, au grand plaisir des spectateurs. La plupart des danses représentent les éternels jeux de séduction entre hommes et femmes. Rares sont les groupes qui ont mis en scène un mariage traditionnel ou un baptême.... à vrai dire composés d'une séquence d'événements assez compliquée. Certains sont venus avec des dindons vivants, une chêvre, un lapin.... des pains, des fruits, sur scène ils ont préparé l'ancienne boisson aztèque, le Tejate. La reine de beauté de l'année élue pour représenter la déesse Centéotl ouvre le spectacle qui débute avec les Chinas de Oaxaca, des femmes portant sur leurs têtes d'immenses corbeilles de décorations de fleurs. Pêle-mêle, elles sont suivies par des diables en veston-cravate-chemise blanche, par des hommes déguisés en femmes qui se déplacent sur des échasses, ou encore par des figures géantes en papier mâché.

Le groupe qui m'a le plus touchée est celui des 'plumes', le plus directement inspiré de l'époque aztèque pré-hispanique : danses effectuées uniquement par des hommes portant sur leurs têtes d'impressionnantes décorations de plumes et très différentes de toutes les autres autant par leur rythme que par une grâce 'hors du temps'. Je ne pouvais m'empêcher de les 'voir' danser sur l'espanade de Monte Alban ou d'un autre lieu sacré.... et me suis retrouvée prise entre 'quelle farce!' et 'au moins ça continue à exister'.... un 'sweet and sour' globalisant et si propre à notre époque. Le principe de célébrer le don, la solidarité, la diversité est la meilleure idée du monde.... mais à partir de ces magnifiques traditions et de l'effort réalisé pour les réunir, ne pourrait-on pas faire tellement plus pour que les consciences changent, et donc les actions aussi ?

sur ce point d'interrogation, voici quelques photos - à moins d'avoir un équipement professionnel, on n'est jamais assez près pour qu'elles soient bonnes. Si vous voulez voir et savoir davantage, je vous invite à 'googler' guelaguetza  -  vous trouverez une abondance de sites sur cette célébration reprise depuis 1969.

Indien géant et cuivres omniprésents

Monsieur en jupe sur échasses

costume traditionnel

danse mixtèque endiablée - ils ne touchent pas le sol et sont infatigables ! au fond, sur la scène sur-élevée, les corbeilles des Chinas, décorations de fleurs que les Oaxaqueñas portent sur la tête.

autre style - débauche de couleurs, jupons, beautés aux tresses enrubannées

groupe de la région de Chatina

grâce et douceur

sur la scène comme à la ville

Plumas version 2007....

Les plus beaux Huipiles de l'Etat d'Oaxaca : robes entièrement brodées, toutes différentes, de la région de Tuxtepec - danse de l'ananas

sur ce joli tableau je vous laisse à vos impressions colorées, peut-être êtes-vous aussi pensifs que moi - pourrait-on imaginer meilleure opportunité pour pratiquer le 'point zéro' ? Oui, tout co-existe dans l'espace et dans le temps.....