Pueblos Mancomunados 3-4-5 août 2007
En ce premier weekend d'août, me voici partie explorer les Pueblos Mancomunados. Il s'agit de huit villages regroupés sur un territoire de 290km2 à environ 3000 mètres d'altitude dans la Sierra Norte, dont le plus proche de Oaxaca, Benito Juarez, habité par environ 300 Zapotèques, se trouve à 2 heures de route en bus par une route non-asphaltée qui grimpe dans la montagne dès qu'on quitte la Nationale.
La vie y est extrêmement réglée, inspirée de structures communautaires anciennes avec adaptation à la (sur)vie moderne. L'exode vers les Etats-Unis ou les villes mexicaines est en effet le seul moyen de s'en sortir pour de nombreuses familles. Ici tout est question d'équilibre : entre l'autonomie de chaque village et l'ensemble du territoire, entre l'indépendance politique et l'aide gouvernementale, entre les lois de l'Etat et les règles communautaires, entre la gestion des entreprises locales et la redistribution des gains en fonction des besoins de la communauté.
Tous les trois ans et jusqu'à l'âge de 70 ans, on (femme incluses, mais moins souvent) peut être appelé au 'cargo' pour une année = travailler pendant un an sans salaire pour la communauté, soit en remplissant un poste administratif (gestion des eaux et des forêts, mairie, trésorerie, police, dispensaire, école, etc.), soit d'autres fonctions, par exemple, comme vendeur de billet sur le bus ci-dessus.
90% des habitants sont paysans (agriculture - surtout maïs, haricots, patates - et élevage) - la solidarité doit être très présente pour qu'il y ait relève pendant tout un an, ainsi que l'esprit d'économie et de prévoyance de chacun. Il n'y a que très peu d'emplois salariés car en plus du 'cargo', il y a le 'tequio' : chaque fois que c'est nécessaire, on fait appel à la population pour des travaux ponctuels, en général d'un jour, comme le bûcheronnage par exemple :
ou le déroulement des élections de l'Etat, qui avaient justement lieu ce dimanche-là (résultat : abstentionnisme galopant malgré tous les problèmes économiques suite aux incidents à Oaxaca de l'année passée, donc victoire de la droite au nom bien mexicain = surréaliste : PRI = Partido Revolucionario Istitucional...).
Autre institution intéressante : le 'castigo' ou châtiment. C'est l'assemblée qui décide de la punition - un travail pour la communauté - à infliger aux violents, aux maris infidèles, aux filles-mères, ou pour d'autres 'délits'.
La terre est collective, en principe il n'y a pas de propriété privée. Lorsqu'un lopin vous est affecté pour cultiver ou y construire votre maison, cette dernière passera à vos enfants à votre mort. Vous pouvez la 'donner' à une autre personne, à condition qu'elle fasse partie de la communauté. J'ai rencontré la seule famille 'étrangère' : le mari est bien mexicain mais d'une autre région et éthnie, tandis que l'épouse vient de l'Alaska. Pour être acceptés, ils ont dû montrer leur capacité d'intégration et de participation à la vie de la communauté : il faut pouvoir offrir quelque chose. C'est pourquoi Jorge le potier n'a pas sourcillé à l'idée d'aller bûcheronner, alors qu'il n'a jamais tenu de hache dans sa main. On peut bien payer quelqu'un pour qu'il fasse le 'tequio' à sa place, mais pour Jorge, ce ne serait pas du tout bien vu. Quant à Eliz, elle va créer une bibliothèque après que son projet d'artisanat ait été refusé par l'assemblée : pas dans la tradition. Leur fils, Tchai, parce que né à Benito Juarez, est totalement considéré comme faisant partie de la communauté.
L'agriculture pratiquée ici est presque bio, malheureusement davantage par tradition et par pauvreté que par choix conscient. S'ils en avaient les moyens, la plupart des cultivateurs n'hésiteraient pas à acheter des engrais chimiques. Par contre, le tri des déchets est d'actualité, même si la forme est moins sophistiquée que dans les villes européennes :
Après que les anciennes mines d'or et d'argent aient fermé, les quelques industries actuelles sont avant tout le bois, l'exportation de graines bio, l'embouteillage d'eau (c'est apparemment un des rares endroits du Mexique où on peut boire l'eau du robinet), le séchage de champignons et fruits (entre autres, mangues du commerce équitable) et l'écotourisme, dont j'ai profité en compagnie d'une Bostonienne de passage.
Arrivées vendredi soir, nous nous sommes installées dans notre cabane après nous être délectées d'une truite à l'un des deux comedores (restaurants) locaux. Le lendemain, nous sommes parties pour une magnifique balade de 4 bonnes heures le long de sentiers plus ou moins balisés, dans un décor superbe. Benito Juarez est sur une crête, donc on a la vue sur des chaînes de montagnes sans fin autant vers le sud que vers le nord. Petits vallons, forêt humide, vue dégagée - il y avait de tout. Parfois il me semblait être dans les Préalpes avec plein d'épineux (une grande variété de pins et sapins couverts de lichen) et de plantes connues (du plaintain aux fougères en passant par les renoncules et autres fleurettes) mais.... paysage surréaliste parce que parsemé de cactus, d'aloés géants et d'autres plantes dans cohabitation très insolite : champs entiers de lupins bleus, dahlias sauvages, petits colibris faisant des clins d'oeil aux faucons. Et - bonheur suprême - PAS un bruit humain. Le lendemain nous avons remis ça avec un plaisir immense avant de rentrer à Oaxaca dimanche soir. Par personne, le weekend transport, hébergement avec draps, cheminée, eau chaude et tout et tout, nourriture et guide compris est revenu à moins de cent francs suisses : avis aux amateurs !
Il existe aussi des circuits sur plusieurs jours où l'on peut aller d'un village à l'autre à pied, en VTT ou à cheval.
Attention : contrairement à ce que dit le guide Lonely Planet, les guides très gentils mais (trop) jeunes qui nous ont été attribués et qui sont utiles si l'on ne veut pas se perdre ne savaient strictement rien, ni sur les plantes, ni sur la faune, ni sur tout ce que nous leur avons demandé... ignorance, manque d'intérêt ou timidité ?
Quelques images pour vous, de ce weekend bienfaisant pour les mollets, l'âme, les yeux, les poumons et... l'inspiration.
vue sur la plaine centrale d'où nous sommes venues, avec Teotitlan del Valle tout en bas, et loin vers la droite on peut deviner (mais pas voir!) Oaxaca.
vache fribourgeoise un peu seulette dans un champ entouré non pas de barbelés ni d'une haie d'aubépine, mais de maguey (famille de l'aloë).
autre cohabitation insolite, vue vers le Nord
et la dernière : marguerites et ?? (merci à qui me donnera le nom de ces fleurs rouges!)
home sweet home
home un peu moins sweet
champ de maïs et hameau en-dehors de Benito Juarez
vue sur le Sud - chaînes de montagnes à l'infini
avec cette charmante patte de chêvre porteuse de chance, qui dans ce bus remplace l'habituelle vierge protectrice, bonne route à vous !
et pour en savoir davantage sur la région :
http://www.sierranorte.org.mx/en/home.htm
http://www.forest-trends.org/FT_Spanish/documentos/Reuniones/Honduras04/I%20SANTIAGOESP.pdf
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